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Viardot : Mélodies

Dernière mise à jour : 29 nov. 2021

Octobre 2021

Pauline Viardot

Scène d'Hermione

Sara la Baigneuse

En mer

Le savetier et le financier

Povera me!

Parme

Madrid

Les filles de Cadix

Canción de la Infanta

Caña española

Les Etoiles

Les Ombres de minuit

Berceuse Cosaque

Evocation

Nixe Binsefuss

Les attraits

Le chêne et le roseau

Scène de Phèdre



Stéphanie d'Oustrac, chant

Françoise Tillard, piano



Stéphanie d’Oustrac et Françoise Tillard nous donnent à entendre un programme entièrement dédié aux mélodies de Pauline Viardot. Si la Scène d’Hermione VWV 1007, tirée de la tragédie Andromaque de Jean Racine, est d’une violence forte, elle ne manque néanmoins pas de douceur à certains passages : « J’attendais en secret le retour d’un parjure » est une lamentation poignante. Cette mélodie est cependant d’une virtuosité impressionnante, et les pièges sont nombreux, notamment dans les aigus. Stéphanie d’Oustrac ne tombe pas dans ces trappes et on peut lui en rendre grâce.


Cependant, ce n’est probablement pas la mélodie qui mettra le plus en valeur sa voix. Sara la Baigneuse VWV1146, sur un poème de Victor Hugo, offre un grand contraste avec la mélodie qui précède. D’un lyrisme plus proche de ce que feront les grands mélodistes de la fin du XIXe siècle, on trouve un accompagnement pianistique qui se marie avec merveille à la ligne de la voix, parfaitement interprétée. L’œuvre pourrait aussi faire penser aux Mélodies persanes de Saint-Saëns, lorsque Sara est « capitane ou sultane ». On regrettera seulement la troncature de certaines parties de l’œuvre… En mer VWV 1084 a le malheur de ne pas avoir un texte d’aussi bonne qualité. De Jean Racine et Victor Hugo, on passe à Gaston de Larenaudière, pour lequel le lyrisme de Pauline Viardot est en bien des points supérieur au texte, chanté si joliment par Stéphanie d’Oustrac. L’œuvre, dédiée à Hector Berlioz, rappelle pourtant par certains aspects les Nuits d’été du compositeur. Le Savetier et le financier VWV 1145 est tiré d’une fable de Jean de la Fontaine : retour aux grands textes ! Et c’est dans cette fable, qui rappelle par certaines tournures la très célèbre cigale et sa compagne fourmi, que Stéphanie d’Oustrac est pleinement elle-même. Jouant de la voix pour incarner les différents personnages, elle se fait tour à tour savetière puis financière, en paix comme en détresse. Cette petite historiette, faisant partie du même cycle de poèmes que Sara la Baigneuse, est proprement rafraîchissante et montre à la fois le talent de la compositrice pour la mélodie et celui de la chanteuse pour la comédie.


Povera me ! VWV 1050 est une mélodie italienne sur un rythme de barcarolle, qui ne rappelle que trop bien les mélodies de Gabriel Fauré ou le cycle des chansons vénitiennes de Reynaldo Hahn. Petite chansonnette à reprise, elle ne dure pas longtemps, juste assez pour pouvoir savourer quelques harmonies. Parme VWV 1142 se fait cette fois sur un texte de Sully Prudhomme. On trouve dans cette mélodie des accords qui évoquent ceux de Claude Debussy, quand il commencera à composer, avec des parallélismes d’accords bien venus, inspirant le calme que la ville de Parme a elle-même inspiré au poète. Autre pays, autre ville, avec Madrid VWV 1136. Stéphanie d’Oustrac a alors les défauts de ses qualités : elle est presque trop juste, trop rigoureuse, sur ce chant pseudo-andalou ! Rappelant les origines de Pauline Viardot, née Garcia d’un père espagnol, la mélodie dépeint, sur un texte d’Alfred de Musset, une Espagne qui se retrouve dans Carmen. On aurait apprécié une voix plus chaude, plus méditerranée, peut-être moins juste ou exacte, sur ce chant. Il n’en demeure pas moins que Stéphanie d’Oustrac s’en sort tout de même haut la main. Et après Madrid, une autre ville d’Espagne avec Les Filles de Cadix VWV 1135, où la voix de Stéphanie d’Oustrac arrive à se faire plus chaude. Dans la Canción de la infanta VWV 1123, Pauline Viardot reste dans une veine hispanique, avec cette fois un texte espagnol. Et là, la chanteuse semble comprendre parfaitement l’Espagne ! Cette chanson est un véritable bijou qui s’accroche à la gorge que l’on sent parfois nouée par le chagrin. Il en va de même pour la Caña española VWV 1046, dont les accents espagnols se retrouvent aussi dans un piano qui se veut alors guitare.


Dans Les Étoiles VWV 1059, on a, chose surprenante, l’intervention d’un violoncelle, qui introduit la voix et l’accompagne, faisant de ce duo un binôme où la voix se fait parfois violoncellistique, et le violoncelle, vocal. Les deux instruments à cordes se font aériens, accompagnés par le piano ; on se retrouve alors dans un espace éthéré, bien plus frais que les chaudes chansons qui ont précédé. On reste dans le nocturne avec Les Ombres de minuit VWV 1039, beaucoup plus grave et tourmenté. Le piano est un bouillonnement tandis que se pose dessus, comme des volutes de fumée, une voix qui ne se détache pas des troubles du texte. L’œuvre se termine dans le grave le plus profond du piano, comme un appel de l’abîme dans lequel nous sommes plongés, peut-être pour un ailleurs plus heureux… Dans la Berceuse cosaque VWV 1067, faisant partie du cycle des douze mélodies sur des poésies russes, on trouve une mélancolie toute slave, où une mère veille son enfant, et où les graves se font non plus inquiétants, mais chauds et maternels. Dans Évocation VWV 1041, faisant partie du même cycle que la mélodie précédente, on découvre un tourment plus proche des Ombres de minuit, mais c’est un tourment qui s’apaise, et non qui se conclut dans une mort certaine.


Avec Nixe Binsefuß VWV 1132, c’est cette fois la langue allemande que l’on explore. Rappelant les Lieder allemands de Schubert ou de Schumann, en plus joyeux, en plus heureux, on retrouve la beauté de la langue allemande chantée. Le piano trouve alors aussi une part plus romantique dans cette œuvre, comme si l’Allemagne influait, à l’image de l’Espagne, sur l’esprit de composition de la très-polyglotte Pauline Viardot. Les Attraits VWV 1052 revient dans le creuset français, et la mélodie, ravissante, est chantée avec douceur. Très brève là aussi, elle s’enchaîne directement avec une autre fable de La Fontaine : Le Chêne et le roseau VWV 1036. Bien loin de l’interprétation très comique de la précédente fable, celle-ci se veut plus philosophique et plus haute. Plus la mélodie avance, plus on saisit le tragique de la situation qui se joue entre les deux végétaux. Enfin, la dernière mélodie fait écho à la première puisqu’il s’agit d’une Scène de Phèdre VWV 1009. On retrouve là la voix dramatique de Stéphanie d’Oustrac, qui se fait à nouveau tragique dans cette scène qui ne l’est pas moins.


Stéphanie d’Oustrac et Françoise Tillard nous présentent un album pour le moins réussi, mais, mis à part quelques mélodies, très lisse. L’interprétation aurait pu être beaucoup plus poussée, les contrastes entre les différents caractères, beaucoup plus exacerbés, connaissant l’amour de la chanteuse pour le jeu d’acteur. On le retrouve, ce jeu, dans certaines mélodies, notamment les deux scènes, d’Hermione et de Phèdre, mais aussi dans les œuvres hispaniques comme Les Filles de Cadix. On ne peut tout de même que se féliciter de cet album qui va mettre en avant Pauline Viardot pour le bicentenaire de sa naissance.


Gabriel Navaridas


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