top of page
ComposHer

« Une histoire de la musique au féminin » au Théâtre des Champs-Elysées

8 mars 2022


Elsa Dreisig | soprano Philippe Jaroussky | contre-ténor Stéphane Degout | baryton Quatuor Modigliani Nikola Nikolov | violon Heloïse Luzzati, Xavier Philips | violoncelle Mathilde Caldérini, Anastasie Lefebvre de Rieux | flûte Laurianne Corneille, Marie-Josèphe Jude, Romain Louveau, Célia Oneto Bensaid | piano


Philippe Jaroussky, Elsa Dreisig, Stéphane Degout, le Quatuor Modigliani… Il y avait du beau monde au Théâtre des Champs-Elysées, mardi 8 mars 2022. Autant de talents mis au service de compositrices d’hier et d’aujourd’hui, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

C’est Héloïse Luzzati, violoncelliste et directrice artistique du festival « Un temps pour elles » qui est à l’origine de ce projet. Impliquée depuis plusieurs années dans la redécouverte des compositrices, elle avait cette fois-ci concocté un concert de musique de chambre de grande qualité, faisant la part belle aux œuvres vocales. La plupart de ces œuvres n’avaient jamais été jouées en public auparavant. Dans l’auditoire se cachaient d’ailleurs tous les descendants des compositrices de ce programme.


Si la soirée se voulait « une histoire de la musique au féminin », le programme courait en fait de la fin du 19ème siècle au 21ème siècle. Un choix payant, au vu de la puissance et de la grande diversité des pièces interprétées, confirmant la densité d’œuvres majeures composées par des femmes. Le public, venu nombreux et curieux, faisait presque salle comble.


Dix-sept artistes renommés, dont une majorité d’hommes, se sont relayés tout au long du concert pour défendre les œuvres de six compositrices. Cette distribution envoie un message fort : les œuvres des compositrices sont d’une qualité égale à celles des hommes, et tous les interprètes gagnent à les découvrir et les jouer en concert.

Le concert débute sous les doigts du pianiste Romain Louveau, seul en scène, quand la soprano Elsa Dreisig sort de l’ombre, pieds nus. Son interprétation de poèmes de Pierre Louÿs, mis en musique par Rita Strohl (extraits des Chansons de Bilitis), place d’emblée la barre haut. La partition de piano, très légère, laisse à la soprano tout loisir de déployer un timbre chaleureux et une très grande justesse.


Elsa Dreisig cède ensuite sa place au baryton Stéphane Degout, qui interprète à son tour trois poèmes de Baudelaire, toujours mis en musique par Rita Strohl (extraits des Six Poésies sur des poèmes de Baudelaire op. 20). Ici aussi, le piano reste discret, laissant la voie libre au chanteur, tout en posant justement l’atmosphère en quelques notes. À ce titre, le « Spleen » de la compositrice est particulièrement réussi, plongeant la salle dans une ambiance aussi lugubre que le poème original.


La pièce Cinq prières de feu, de Lise Borel (née en 1993), commandée par le festival « Un temps pour elles », et interprétée par un Philippe Jaroussky tout en maîtrise, fut une très belle découverte. La compositrice y déploie une écriture piano-voix complexe et intéressante, au service d’une œuvre toujours accessible. Des épisodes modaux contrastent avec des accents pop, parfois proches de la musique de film, résolument ancrés dans notre époque. La jeune compositrice, présente dans la salle, est d’ailleurs chaleureusement saluée par le public à la fin de la prestation.


Après l’entracte, la seconde partie du concert s’ouvre sur le Trio en la mineur de Charlotte Sohy. Un choix logique : Héloïse Luzzati profite en effet de ce concert pour lancer son nouveau label, La Boîte à Pépites, qui publiera exclusivement des monographies de compositrices, et dont le premier opus est consacré à cette compositrice née en 1887 et morte en 1955. La pièce plante un décor différent, moins dramatique et plus animé. Les musiciens font volontiers preuve de virtuosité et s’échangent le thème mélodique d’instrument en instrument comme dans une partie de ping pong musical.


Retour temporaire à la musique vocale avec les mélodies La nuit ! et Die Sterne de Pauline Viardot (1821-1910). Musicalement plus simples mais très belles, elles sont portées par l’interprétation engagée et entraînante d’Elsa Dreisig, de retour sur scène. S’ensuit la Fantaisie pour quatuor à cordes et piano de Germaine Tailleferre (1892-1983), une œuvre pleine de feu et de vie, bien servie par l’interprétation du quatuor Modigliani et de la pianiste Marie-Josèphe Jude.


Ils sont rejoints sur scène par les flûtistes Mathilde Caldérini et Anastasia Lefebvre de Rieux pour conclure le concert avec le Septuor, op. 72 de Mel Bonis. Si les flûtes apportent par moments des couleurs intéressantes, ce sont surtout les cordes et le piano qui portent avec conviction cette fantaisie romantique.


C’est donc une belle soirée, faite d’émotions et de découvertes musicales, que nous a proposée Héloïse Luzzati. Si la première partie était peut-être plus touchante que la seconde, le concert fut l’occasion d’apprécier autant le talent de ces compositrices délaissées que la qualité de l’interprétation des artistes. En témoigne l’enthousiasme du public lors du salut final des seize musicien·ne·s, qui laisse augurer de beaux jours pour le festival Un temps pour elles et son label et, espérons-le, d’autres concerts consacrés aux compositrices au Théâtre des Champs-Elysees !


Marguerite Clanché et Mariette Thom




94 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Commentaires


bottom of page