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Rêves romantiques - Florilège #9

Dernière mise à jour : 19 août 2021

28 août 2020


Orchestre, piano et musique de chambre… la discographie de Louise Farrenc s’étoffe agréablement ces derniers mois. Le présent album se distingue d’autres enregistrements, récents ou anciens, en intégrant Louise Farrenc à un projet mixte, en regard de Camille Saint-Saëns (de trente ans son cadet, dont le quintette est composé en 1855). Le Quintette pour piano n°1 en la mineur opus 30 (1840), est écrit pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse, une formation plutôt rare que la compositrice exploite à merveille : la présence de la contrebasse offre bien sûr une profondeur de timbre supplémentaire, mais permet également au violoncelle de s’émanciper. Les élans romantiques, en soli ou en tutti, sont conduits avec une grande cohésion par l’ensemble Ironwood dans le grand Allegro initial. L’Adagio non troppo permet à tous les instruments de s’exprimer, la parole passant de l’un à l’autre avec fluidité. Le Scherzo est incisif et laisse une plus grande place au violon, qui mène la danse. Le Finale (Allegro), à l’image du reste du quintette, mêle grands thèmes développés, tutti rythmiques, unissons marquants, marches harmoniques toujours efficaces… Composée quelques années avant le très connu quintette de Robert Schumann (1842), l’oeuvre de Louise Farrenc ouvre grand la porte au quintette romantique, illustrant l’esthétique de Beethoven de la même manière que la comprendront Gouvy et Onslow, deux contemporains de Farrenc.


Marie Humbert

 

Au sein d’un album consacré à la musique chorale d’Amérique du nord, qui met principalement en avant Nico Muhly et David Lang et donc une certaine esthétique minimaliste, on retrouve également Libby Larsen (1950 -) et Abbie Betinis (1980 -). I Will Sing and Raise a Psalm, œuvre composée pour chœur et orgue en 1995, présente un univers sonore expressif et spirituel. Libby Larsen déploie et développe au long de la pièce un motif mélodique principal, qui passe de voix en voix et jusqu’à l’orgue, constituant le fil rouge de l’œuvre. La pièce d’Abbie Betinis, Cedit hyems (“Be Gone, Winter!”, qui décrit la venue au monde du Christ dans un hiver troublé), est moins conventionnelle : une flûte solo (Claire Wickes) ouvre la pièce par une mélodie interrogative, bientôt rejointe par les accords contemplatifs du chœur. De chuchotements jusqu’à un tutti sonore, le chœur ordonne au froid de cesser et à l’hiver de fuir et annonce la venue du Christ. Après l’homorythmie initiale, les différents pupitres se mêlent à la flûte et les mots et motifs se répètent, grandissent, dans une écriture rythmée qui tire parti du texte et notamment des nombreux ‘s’ présents en fin de mots. L’effet est saisissant, grâce à la précision et à l'expressivité du Choir of Merton College.


Marie Humbert

 

Les Solo French and American Flute Works enregistrés par Stephanie Rea constituent un récital de flûte original et rafraîchissant ; par-delà les incontournables classiques du répertoire, tels que la Pièce pour flûte solo de Jacques Ibert et la Danse de la chèvre d’Arthur Honegger, la flûtiste nous entraîne dans l’univers moins connu mais non moins intrigant et riche de compositrices américaines. La pièce d’ouverture, écrite par Cynthia Folio, joue avec les palindromes, comme le préfigure le titre Arca Sacra, et annonce l’agencement malicieux des différentes œuvres sélectionnées pour cet opus : si l’ensemble peut d’abord sembler hétérogène, la cohérence de l’album apparaît rapidement. En effet, le mélancolique air avec variations Solace composé par Stephanie Rea elle-même introduit l’Air with Variations de son ancien professeur de flûte Charles Delaney, en un hommage touchant. De même, Syrinx, de Claude Debussy, et Kokopeli, de Katherine Hoover, forment une paire : entre mythologie et musique, la flûte de pan et la flûte du dieu de la fécondité hopi se ressemblent malgré l’océan qui les sépare. La diversité de la musique nord-américaine, entre influences amérindiennes et création contemporaine, également représentée par Robert Muczynski, se fait jour au fil des morceaux, servis par une interprétation dynamique et subtile, bien que la précision du son laisse parfois à désirer.


Alice Lacoue-Labarthe

 

Singing in the Dead of Night a beau être une référence au titre Blackbird des Beatles, on n’en retrouvera guère ici la douce mélancolie. La pièce de Julia Wolfe, au coeur du disque éponyme de l’ensemble américain Blackbird, déroute et brouille les pistes : en guise d’introduction, aux accords répétés du piano, très lumineux, se superposent des glissendi des cordes et des vents. Lorsque le piano disparaît, il ne reste que ces tenues qui construisent, par touches successives, des accords dissonants, alors qu’émergent peu à peu, en arrière-plan, d’inquiétants bruits de frottements. Une troisième section, très rythmique, conçue en forme d’attaques successives des différents instruments, fait la part belle à la caisse claire, seul liant entre des instruments qui semblent s’opposer de plus en plus. Les percussions ont beau s’adoucir progressivement - la caisse claire devient un vibraphone - la hargne ne disparaît jamais pour autant : dans la section paroxystique de l’œuvre, les notes assénées des cordes frottées et des vents (quel sens du rythme chez les musiciens de l’ensemble) s’opposent à une partie de piano virtuose qui exige de Lisa Kaplan d’amples accords qui occupent tout le clavier. La violence s’estompe peu à peu, se fond en une conclusion plus mélancolique et répétitive... Avant que cordes et vents ne disparaissent, pour ne laisser subsister que l’inquiétant frottement des percussions.

Clara Leonardi

 

Unus Mundus présente huit compositeurs et compositrices, réunis dans un hommage au compositeur coréen Isang Yun. Les 8 pièces (pour piano) composées pour l’occasion s’inspirent alors de l’oeuvre du compositeur, en développant un motif choisi ou en réemployant ses techniques. Pour autant, le disque est divers, chacun.e ayant réussi à présenter son propre langage. Dans Flying Kite, Seunghee Lee s’inspire de la tradition coréenne des cerf-volants pour composer une fresque déconstruite, tantôt vive, tantôt contemplative. On ne sait pas bien où elle nous emmène, mais qu’importe : on se laisse porter. Ingrid Stölzel, elle, reprend l’une des méthodes de compositions principales de Isang Yun (“Hauptton”, l’idée d’une note centrale autour de laquelle on développe la pièce). Elle va plus loin, évoquant dans sa pièce Unus Mundus (qui donne son titre à l’album) l’idée de contradictions apparemment irréconciliables qui créent en fait un seul monde sonore. Quoi qu’il en soit, et notamment grâce à l’utilisation au début et à la fin de l’oeuvre de la voix de la pianiste sur des “hum” sonores et mystérieux, la pièce ouvre l’album avec une grande poésie. L’écriture n’est pas très dense, mais la forte présence de la pédale crée une atmosphère à la fois simple et pleine de résonance, où les motifs dans l’aigu se répètent tandis que les accords mélancoliques se créent note à note. La pianiste Eunmi Ko porte avec subtilité et détermination ce programme hommage.



Marie Humbert


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