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Le voyage intérieur - Florilège

Dernière mise à jour : 19 août 2021

13 mars 2021


Occurrence est véritablement un album de voyage. Dès les premières secondes, il nous transporte vers les terres désolées et riches de l’Islande. Lendh, de Véronique Vaka nous ouvre aux landes islandaises et à ses paysages immenses par de longues plages harmoniques. Rien ne s’y passe et pourtant tout s’y joue, le changement insensible et chtonien de la musique se métamorphosant petit à petit, comme l’Islande se métamorphose à la vitesse des mouvements terrestre. La vie y apparaît de façon ponctuelle, comme pour rendre plus légères ces harmonies calmes où tous les instruments ont leur place. Mais si Lendh nous présente la musique à des temps géologiques, Flutter de Thurídur Jónsdóttir nous dévoile le grouillement de la vie dans ses plus infimes moments. C’est une musique qui frémit, frissonne, et nous donne à voir ce qu’est la vie islandaise : cachée, enfouie, invisible mais partout présente. Un miroir de l’éphémère où tous les instruments ont aussi leur place, de la flûte jouant sur les bruits blancs aux percussions qui sont comme les mille battements de cœur de la faune insulaire. La flûte a, évidemment, un rôle central, et après une longue introduction, elle se fait entendre au-dessus de tous les autres instruments, présentant dans un air glacial une mélodie que l’on sent inspirée de la terre natale de la compositrice.



Gabriel Navaridas

 

Comme souvent, c’est un album de musique contemporaine très variée que nous propose le label Navona : du quintette à vents à un ensemble mixte de vents et de cordes, en passant par des mélodies pour clarinette et piano, il y en aura pour tous les goûts. C’est la compositrice Sarah Wallin-Huff qui propose, dans sa pièce The Oracle, construite à partir de cartes de Tarot tirées au hasard, l’ensemble le plus insolite : le violon, le violoncelle, la clarinette et la flûte représentent le Feu, l’Eau, la Terre et l’Air, tandis que le piano représente les “Arcanes Majeures” du jeu. Si l’on pourrait craindre une oeuvre trop hasardeuse, c’est en réalité une structure et des contraintes que se crée ainsi la compositrice, et indépendamment de sa signification profonde, la pièce est poétique, imagée et elle raconte une histoire vibrante. Les instruments dialoguent et de belles mélodies émergent de moments plus rythmés. Le style est radicalement différent dans la Shaker Suite: Canterbury de Carol Barnett, pour quintette à vents (flûte hautbois, cor, clarinette, basson). La compositrice s’inspire de quatre hymnes des communautés de “Shakers” fondées au XIXe siècle aux Etats-Unis. Cela donne bien sûr un délicieux air du passé à la pièce, mais la composition, elle, est bien moderne : Carol Barnett étend les rythmes originaux, déconstruit ses mélodies pour que les instruments les reconstruisent, et mêle les timbres grâce à une écriture qui se renouvelle sans cesse.



Marie Humbert

 

En découvrant ce disque, on ne peut que remercier le baryton américain Will Liverman, qui s’engage dans un projet courageux : rassembler des mélodies de compositeur.rices noir.es, dont aucun.e n’a aujourd’hui la renommée qu’il/elle mérite, et montrer la complexité et la puissance de leur écriture. Les trois courts Dream Portraits de Margaret Bonds font partie de ces morceaux choisis dont on se délecte à chaque écoute. Écrits au milieu du XXème siècle sur des textes de son ami Langston Hughes, célèbre écrivain, ils dépeignent en trois saynètes indépendantes, d’écriture bien distincte, les errances intérieures de trois personnages. Le premier, “Minstrel Man”, se lamente que ceux qui l’entendent chanter ne voient pas sa souffrance : les changements d’harmonie subtils au piano reflètent la complexité des émotions du personnage. Si Will Liverman sait donner à cette mélodie l’intensité qu’elle mérite lorsqu’il crie la douleur du narrateur, on apprécierait peut-être un vibrato moins uniforme, moins ample aussi, dans les moments les plus méditatifs. Le baryton est d’ailleurs plus à son avantage dans “Dream variation”, deuxième portrait qui décrit, en une douce ballade au rythme ternaire, un jour ensoleillé raconté par un narrateur rêveur. On y apprécie l’amplitude de l’échelle de nuances qu’il utilise, ses efforts pour explorer des aigus très doux et l’agréable communion avec le pianiste Paul Sanchez. Plus triomphant, le texte d’“I, Too” sonne comme une protestation du narrateur qui s’exclame “Moi aussi, je suis l’Amérique” : Bonds n’hésite pas à user d’un langage harmoniquement plus trouble, plus changeant, et de rythmes syncopés pour illustrer cette révolte. Le timbre puissant du baryton convient à ce climat de colère, symbolique des soulèvements des Noirs américains à l’époque de Hughes - dont les textes sont toujours pertinents aujourd’hui.




Clara Leonardi

 

L’orchestre des Solistes Européens Luxembourg, dirigés par Christoph König, se lance cette fois à la découverte des compositeurs et compositrices contemporain.e.s de leur pays d’accueil… le Luxembourg ! Sur ce disque, on peut notamment entendre la Sonata delle Farfalle (Sonate des papillons) de Tatsiana Zelianko (1980 - ), une pièce pour orchestre en quatre mouvements hautement évocatrice. Dans les sections qui se succèdent, aux harmonies souvent tendues mais aussi délicieusement chaleureuses, l’orchestre étale toute sa palette de couleurs : les timbales, très présentes dans l’enregistrement, créent de grands effets dynamiques ; les cordes sont tantôt un cocon rassurant, tantôt le bourdonnement des insectes et de la nature. Le timbre des différents instruments à vents se mêle à la texture des cordes, ou bien s’en échappe en en mélodies contemplatives ou motifs rythmiques. Dans les passages les plus mélancoliques, les accords, mouvants, évoquent des images poétiques. Dans ce registre, c’est sans doute le premier mouvement, “Gravement”, qu’on retiendra le plus… avant de se laisser entraîner dans les “Andantino volante” et “Allegretto volante”, tout en contrastes colorés.


Marie Humbert


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