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Higdon, Tower, Mendelssohn et Bacewicz : images et textures - Florilège

Dernière mise à jour : 19 août 2021

12 février 2021


Qu’on ne s’y méprenne pas : le trio dont il s’agit ici n’a rien à voir avec le Trio avec piano de Jennifer Higdon, déjà plusieurs fois enregistré. Si l’on retrouve un certain nombre de similitudes entre American Canvas, présenté ici, et l’oeuvre de 2003 (juxtaposition de lignes mélodiques distinctes des trois instruments, atmosphère lumineuse et méditative), un changement de taille a été opéré : au violon, la compositrice a préféré la flûte pour cette pièce en trois courts mouvements inspirée par trois peintres américains. Le timbre de l’instrument s’avère un choix judicieux puisqu’il ajoute une texture différente, ce qui permet de figurer plus en détails les univers picturaux des trois artistes. Les explosions de couleurs dont Georgia O’Keefe avait le secret sont traduites dans le premier mouvement par des crescendo répétés et par une écriture particulièrement volubile au violoncelle et à la flûte, qui contraste avec un piano plutôt discret. La précision des attaques qui émergent d’un unique mi dans le deuxième mouvement, “Pollock”, semble faire référence aux jets de peinture que l’artiste pratiquait sur ses toiles ; tout comme les motifs percussifs répétés, qui partent du piano, puis s’étendent aux autres instruments, dans une sorte d’apothéose qui n’est pas sans évoquer l’écriture de Philip Glass. “Wyeth”, qui conclut l’oeuvre, est peut-être le mouvement le plus sombre, à l’image du travail du peintre : les pizzicati obstinés de violoncelle répondent à une flûte dont les motifs rythmiques, syncopés, à contretemps, désorientent l’auditeur, et à un piano qui semble parfois déconnecté de ses partenaires. C’est peut-être là le défaut de cette interprétation : si chaque instrumentiste soigne ses attaques et son phrasé, le trio demeure une juxtaposition de trois solistes, plutôt qu’un ensemble homogène. Que cela ne décourage toutefois pas de prêter l’oreille à cette œuvre riche en images et en évocations...


Clara Leonardi

 

La gigantesque série “American classics” du label Naxos permet aussi de découvrir des pièces et des compositeurs et compositrices pas si “classiques”, justement. C’est le cas de Joan Tower (1938 - ). Sequoia, d’une durée d’environ 16 minutes, est composée en 1981 et est la première pièce pour orchestre de la compositrice américaine, dont le catalogue s’est depuis étoffé de nombreuses œuvres d’ampleur telles que Fanfare for the Uncommon Woman. Les différentes sections de Sequoia s'enchaînent presque d’un seul souffle. La pièce est un jeu d’équilibre entre les différentes textures orchestrales, les différents registres instrumentaux, les différents tempi. C’est une exploration aux multiples influences, qui se réunissent en une pièce très imagée, cohérente, et qui tient en haleine. Alors que les groupes d’instruments se répondent s’ouvre un espace musical d’une grande profondeur, au sein duquel se dessinent poursuites rythmées et obstinées (portées notamment par les cuivres et les percussions), et chants contemplatifs. Planant sur un mystérieux tapis sonore, c’est le violon solo qui conclut la pièce en un aigu suspendu. Le National Orchestral Institute Philharmonic, dirigé par David Alan Miller, incarne avec conviction cette musique si évocatrice.


Marie Humbert

 

Avec pour programme des œuvres pour violon seul des XXe et XXIe siècles, Turning in time, le nouvel album de Kinga Augustyn, s’impose tout de suite par la qualité de son interprétation. Tel un hommage au grand répertoire pour violon seul, foyer d’une virtuosité démesurée, cette nouvelle parution nous prouve qu’au-delà des « tubes » se cachent un grand nombre de petits chefs-d’œuvre qui n’attendent que d’être découverts ou exhumés. Certains noms derrière les pièces qui composent l’album appartiennent déjà au panthéon musical des compositeurs. D’autres sont injustement tombés dans l’oubli et d’autres encore attendent leur consécration. C’est notamment le cas des deux compositrices présentes dans ce programme, Grazyna Bacewicz avec sa Deuxième Sonate pour violon seul et Debra Kaye dont l’œuvre Turning in time a donné le titre à l’album. Hommage au sommet du répertoire pour violon seul que représente la Chaconne de la Deuxième Partita de Bach, la pièce de Kaye est un vaste cycle de variations retournant inextricablement au thème du départ. Un grand mystère entoure cette œuvre qui semble vouée à la fatalité et dont les différentes variations sèment le trouble par leur inaboutissement. On contemple un patchwork musical où des cellules sans rapport entre elles auraient été rattachées. La citation texto de la Chaconne en guise de conclusion nous fait presque sourire tellement on reprend pied d’un coup, tellement on surgit en terrain connu. Plus spectaculaire est la Sonate de Bacewicz, sublimée par la virtuosité féroce de Augustyn. Cette œuvre d’une dizaine de minutes navigue entre la virtuosité traditionnelle, celle des Paganini et Ysaÿe, et un langage moderne aux modes de jeux avant-gardistes. On se demande bien ce qu’attendent les grands virtuoses pour s’emparer de ces sonates où fourmillent acrobaties et tendresse !


Martin Barré


 

Joel Marosi et Esther Walker nous présentent ici un disque entier dédié à la famille Mendelssohn : Félix et Fanny. Ce que l’on pourrait cependant regretter, c’est le manque d’équité entre le nombre d’œuvres du frère et de la sœur. Seules deux œuvres de Fanny Mendelssohn sont proposées : la Sonate ou fantaisie en sol mineur et le Capriccio en la ♭ majeur. Cependant, la qualité d’interprétation rend honneur à ces deux pièces. La Sonate, très mélancolique, laisse à la fois chanter le piano et le violoncelle dans un duo où chacun, à part égale, se lamente comme dans une romance. Et puis, après quelques minutes d’un duo d’amour, il y a une bascule et une danse endiablée commence, avant un retour à une douce contemplation quasi-schubertienne, alternant ainsi moment de joie nostalgique et de triste contemplation jusqu’à la fin. En revanche, le Capriccio est plus apaisé, plus serein, et on y retrouve cette même volonté de faire chanter les instruments. Le violoncelle alterne entre tessitures grave et aiguë, incarnant à lui seul un deux chanteurs. Et à nouveau, tout change, et le duo piano-violoncelle revient à un registre plus dramatique, et dans une verve très romantique, réussissant le tour de force d’une conclusion tout à la fois apaisée et tragique.


Gabriel Navaridas


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