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Cordes sensibles - Florilège #7

Dernière mise à jour : 19 août 2021

24 juillet 2020


Deuxième volume de la saga "The Leipzig Circle" du London Bridge Trio : au milieu de deux hommes - une fois encore, Robert Schumann et Félix Mendelssohn - Clara Schumann tire son épingle du jeu avec son Trio en sol mineur, op. 17. L’occasion de retrouver les atouts qui avaient fait l’intérêt du disque précédent, sorti il y a un an tout juste : le violon très sensible de David Adams, le violoncelle plus fougueux de Kate Gould et le piano toujours à l’écoute de Daniel Tong sont très habiles à faire sonner les très belles mélodies du trio et l’élégance de ses articulations. Les trois musiciens sont par exemple très à leur aise dans le “Scherzo”, faisant preuve d’un véritable raffinement dans l’usage du rubato, ou dans les phrases chantées de l’“Andante”, ici jouées avec beaucoup de naturel et de simplicité. Mais les passages plus tonitruants sont moins convaincants : les ruptures, ici un peu abruptes, des premier et troisième mouvements brisent parfois la continuité du discours, et surtout les forte manquent étrangement d’élan. Le finale, que l’on entend parfois très monolithique, est en revanche particulièrement agréable, rythmé par les contrastes entre passages piano délicats et forte plus volubiles et dansants. On attend le volume 3 avec impatience !


Clara Leonardi

 

“The Komitas Legacy: Armenian piano trios” rend hommage à ce prêtre et compositeur arménien, considéré comme le père de la musique arménienne, ayant à la fois fait redécouvrir les rythmes, modes et gammes utilisés dans le passé et créé son propre langage à partir de ces fondations. La musique qui constitue cet album s’étend du début du XXème siècle avec ces Six Armenian Miniatures de Komitas, arrangées pour trio avec piano, à la musique de la compositrice contemporaine Nina Grigoryan (née en 1976) : sa pièce Aeternus, composée en 2018, est dédiée au Trio Aeternus qui signe cet album. Le premier mouvement présente un motif dense et appuyé, vibrant et dramatique, qui laisse place à un dialogue entre violon et violoncelle aux mélodies mélancoliques rappelant celles de Komitas dans les pièces précédentes. Le second mouvement s’inspire du kochari, danse populaire arménienne, ici mêlée aux influences minimalistes qui traversent toute la pièce. Les trois instruments échangent à merveille au fil que le rythme se déconstruit. Enfin, le 3e mouvement met à l’honneur le violoncelliste Varoujan Bartikian dans un solo d’abord très intérieur, puis expressif et populaire, sur le motif de fond du piano dans l’aigu. L’atmosphère rappelle le premier mouvement, alors que la répétition du motif le long de la progression harmonique en crescendo est soudainement interrompue par le cluster dans le grave du piano. Le violon ne s’exprimera plus, et la pièce s’achève sur ces mêmes touches aiguës du piano et les graves du violoncelle, comme l’orage qui laisse place à la nuit.


Marie Humbert

 

On connaissait l’esthétique minimaliste d’Elena Kats-Chernin, mais aussi son amour du tango : les voici réunis dans une courte pièce écrite pour quatuor de guitares. Bleached Memories s’ouvre sur une suite d’accords solennels plaqués par les quatre instruments, desquels émergent progressivement des fragments de mélodies, syncopées, dansantes… et répétitives. Les cordes se croisent, se rejoignent, et finissent par emporter l’auditeur dans une danse mystérieuse en forme de grand crescendo, aux multiples modulations. Une section centrale assez calme permet à la compositrice d’introduire progressivement des dissonances plus surprenantes, qui vont peu à peu se résoudre dans des harmonies qui évoquent plutôt le jazz. La section conclusive, qui reprend les motifs syncopés présentés au début de l’œuvre, permet une fois de plus aux musiciens de Guitar Trek de montrer leur infaillible sens du rythme et leur écoute parfaite. On regrette peut-être que leur justesse ne soit pas aussi impeccable, mais on se laisse volontiers entraîner dans la danse ! Le reste du disque, très coloré, vaut également le détour, ne serait-ce que pour le plaisir de découvrir trois compositeurs inconnus… Et la richesse des couleurs que peut obtenir un quatuor de cordes pincées !


Clara Leonardi

 

Les amoureux de l’alto reconnaîtront sans doute les premières notes de cet album : l’entrée en matière passionnée de la Sonate pour alto et piano de Rebecca Clarke. Cette pièce, sans doute la plus connue de la compositrice, fait déjà l’objet de plusieurs enregistrements : celui de Dana Zemstov (alto) et Anna Fedorova (piano) n’est donc pas une découverte, mais un nouvel apport. L’altiste a sa vision propre de l’œuvre : jouant sur les contrastes de nuances et de caractères, elle propose aussi un rubato peut-être un brin trop romantique pour l’esthétique de la compositrice. Elle se joue néanmoins des nombreuses difficultés techniques de cette sonate (harmoniques, jeu sul ponticello, pizzicati, arpèges redoutables ou jeu sautillé) et sait trouver en quelques secondes un nouveau timbre, une nouvelle couleur, pour s’adapter aux ruptures de caractère qui parsèment la pièce. Le dialogue entre les deux instrumentistes est impeccable : le piano se fait tantôt discret, tantôt voix principale alors que les instrumentistes maîtrisent avec précision les nuances de leurs instruments. On retiendra notamment l’Adagio qui ouvre le troisième mouvement : l’interprétation est sensible, intérieure, au vibrato très léger, et donne tout leur sens aux mélodies poétiques de Rebecca Clarke.

Marie Humbert

 

Un diptyque de cinq minutes de Lili Boulanger dans un disque consacré aux sonates pour violon composées en France au début du XXème siècle, c’est peu… Mais c’est déjà savoureux ! La violoniste Anna Ovsyanikova propose une version calme et méditative du célèbre Nocturne, et ménage avec délicatesse les très longues phrases de Boulanger, ici absolument ininterrompues. Si les aigus manquent un peu de brillance, ils s’intègrent parfaitement à cette lecture très intérieure, soulignée par le jeu d’une extrême douceur de la pianiste Julia Sinani. Beaucoup moins de mystère dans le Cortège,ici ni plus, ni moins que festif : si les articulations sont impeccablement soulignées, on aimerait peut-être davantage d’espièglerie dans cette très courte pièce. Deux pièces bien menées, qui constituent une introduction sympathique à l’œuvre de Boulanger : il ne reste qu’à espérer que d’autres s’attaqueront avec le même enthousiasme aux œuvres de Bonis, Canal, et des dizaines d’autres compositrices de cette époque qu'il reste à faire découvrir !


Clara Leonardi


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